Jérôme Policand, accompagné d’une dizaine de personnes du staff technique et logistique Akkodis ASP Team (ingénieurs et mécaniciens), s’est lancé pendant trois semaines dans un incroyable périple afin de supporter techniquement la Mercedes-AMG GT3 SunEnergy1 Racing, équipe de l’incroyable patron-pilote australien, Kenny Habul. Une collaboration qui n’est pas nouvelle mais qui cette année encore s’est révélée comme un véritable défi logistique en plus d’être un très beau challenge technique.
La magie de Daytona…
Première étape de cette « moitié » de tour du monde, la Floride et le légendaire circuit de Daytona, véritable page d’histoire du sport auto mondial où se côtoient les meilleurs spécialistes du GT, les stars de l’IndyCar ou les plus rapides pilotes de prototypes. Le spectacle se déroule tant sur la piste que dans le paddock…du sport auto 100% made in USA. Sur cette édition 2023 des 24 Heures, Kenny Habul bénéficie d’équipiers de haut vol sur la #75. Fabian Schiller, Axcil Jefferies et Luca Stolz ont fait le déplacement, ce dernier ayant du remplacer au dernier moment Will Power (Champion IndyCar 2014 et 2022) retenu pour raisons familiales.
Le premier défi à relever est de s’adapter au règlement IMSA, la semaine consacrée aux tests est très chargée. Le but est la mise en conformité de l’auto avec les règles du championnat IMSA, y compris l’ajustement nécessaire des boitiers.
La #75 est dans le rythme et réalise une très bonne séance de qualification en signant le deuxième chrono de sa catégorie (GTD). Après le changement de voiture du Team Winward, qui s’était montrée la plus rapide, ce deuxième chrono se transforme en pole. Sur la grille de départ, tout se présente sous les meilleurs auspices.
Après le traditionnel et incontournable « Gentlemen… Start your engines », les fauves sont lâchés. Les sept premières heures de course sont limpides, la #75 navigue entre la seconde et cinquième position de sa catégorie au rythme des arrêts au stand. Kenny Habul donne tout, ultra-compétitif, aussi rapide que bon nombre de pilotes Silver. Si la vitesse de pointe de ses équipiers n’est plus à démontrer, à 50 ans, le colosse australien est très impressionnant au volant.
Durant la 6ème heure, la belle mécanique se grippe. Une fuite au niveau du radiateur d’eau est détectée. Remettre de l’eau ne suffit plus et la température du moteur s’élève inexorablement, obligeant la Mercedes-AMG à s’arrêter. La réparation dure trois heures, nécessitant la purge de tout le système. La voiture reprend la piste pour un check-up mais avec 80 tours de retard, la raison l’emporte. Sportivement, plus question d’espérer un résultat et comme la Mercedes-AMG doit être expédiée en Afrique du Sud pour participer à l’épreuve de Kyalami (23-25 février), la #75 rejoint les stands.
Malgré un résultat décevant, Jérôme Policand n’a pas boudé son plaisir de revenir sur ce tracé, vingt ans après avoir gagné la catégorie GTS des 24 Heures en tant que pilote, sur une Mosler (Perspective Racing) avec Michel Neugarten, Joao Barbosa et Andy Wallace : « Ce fut pour Akkodis ASP Team une belle expérience, avec des règles complètement différentes de celles des championnats européens et face à des équipes très compétitives, il a fallu s’adapter rapidement. Ce qui ne gâche rien, l’ambiance dans le paddock reste unique. A l’Hospitality, croiser des légendes comme Scott Dixon, Helio Castro Neves, la famille Andretti ou Roger Penske, en plus de la majorité des pilotes d’IndyCar, en toute simplicité, demeure un vrai plaisir. »
Pas le temps de flâner dans les Keys, toute la troupe n’a que deux jours pour rejoindre l’Australie (direction Orlando puis Los Angeles-Sydney) et préparer la voiture qui doit participer aux 12 Heures de Bathurst. Partie d’Allemagne, cette Mercedes-AMG toute neuve nécessite une grosse préparation.
12 Heures de Bathurst… une course exceptionnelle dans un décor d’exception
Comme aime à le souligner Jérôme Policand, le circuit de Bathurst est un tracé aux relents nostalgiques: « C’est le Charade des années 70, à fond dans la nature, sur route ouverte avec juste les murs pour s’arrêter. »
En Australie, sur ses terres, le Boss de SunEnergy1 Racing change d’équipiers. S’adapter aussi vite à une autre voiture, partagée avec Luca Stolz et Jules Gounon, est déjà un challenge en soi. Mais il en faudrait plus pour déstabiliser Kenny Habul (vainqueur en titre), qui se montre tout de suite dans le coup.
Les Essais se déroulent sans nuage. La voiture est qualifiée en Superpole et boucle la séance 4ème du général. Pour mémoire, le même équipage ultra-rapide s’est imposé sur les 12 Heures en 2022 (avec comme quatrième équipier Martin Konrad) mais catégorisé en Pro-AM. Cette année, la pression est bien réelle et le challenge de haut niveau avec l’arrivée des Pro. L’équipage, désormais catégorisé Pro, se retrouve face à des adversaires de haut vol. Pour l’équipe l’enjeu est de taille, enchainer deux succès consécutifs confronté à une féroce concurrence et pour Jules Gounon, l’objectif est de devenir le premier pilote à signer trois succès.
Si le circuit est atypique, le format de la course l’est aussi. Le départ des 12 Heures est donné de nuit, juste avant le lever du jour. La voiture est engagée en catégorie Pro, pourtant Kenny est pilote Bronze (mais avec un sacré coup de volant !). Le challenge est d’autant plus relevé. Kenny roule assez tôt dans la course et la difficulté de jongler avec les temps de conduite cumulés, en course et par relais, se révèle un vrai casse-tête, très diffèrent du GT World Challenge.
La #75, alors troisième, écope d’un drive through (pour ligne de sortie de stand coupée) et se fait éjecter du Top 10. Cependant, à la faveur d’un SC bien négocié, d’un équipage affûté et de pit-stops efficaces, la voiture SunEnergy1 est propulsée en tête de la course. Après le cap de la mi-course, il ne faut composer qu’avec Jules Gounon et Luca Stolz, ce qui provoque un décalage, soit aux commandes, soit P6 avec un arrêt de plus à effectuer. Le choix est fait de privilégier la performance (en mettant moins d’essence) et les relais sont raccourcis. La stratégie porte ses fruits et la #75 remonte P3 à deux heures du damier. Mais au dernier pit-stop, la situation bascule.
La Porsche s’arrête un tour plus tôt et décide de changer ses pneus, idem pour la Mercedes-AMG de Gruppe M qui en plus perd du temps pour rebrancher le logger (obligatoire) SRO. Ces événements font les affaires de SunEnergy1 qui ne ravitaille qu’en essence. La #75 reprend la piste en tête. Si la position est avantageuse, Jules Gounon est chaussé de pneus qui ont déjà fait 30 tours, face à deux furieux en pneus neufs, Maro Engel et Matt Campbell. Jules conserve son sang froid et ne cède pas à la pression mais Engel, bien plus rapide, tente de passer et ne peut éviter un contact. Jules Gounon fait un 360° mais reprend la piste. Quant à Maro Engel, il écope d’un drive-through. Pour la #75, il reste 30 minutes à tenir. Face à la Porsche, qui dispose d’une meilleure vitesse de pointe, tout retour de Matt Campbell pourrait se révéler fatal.
Jules tient bon et maintient son adversaire à cinq ou six longueurs, jusqu’à l’arrivée. C’est un réel soulagement car Maro Engel entamait au même moment un retour fulgurant. Le trio de tête passe sous le damier en se tenant en trois secondes… sans aucun Safety-Car durant les cinq dernières heures. SunEnergy1 réalise une véritable performance en décrochant la victoire au général avec un pilote Bronze (qui a roulé deux relais). Incroyable à ce niveau ! Pas moins de 13 arrêts contre 9 pour les autres équipes et une stratégie complétement différente, le pari a fonctionné (sans pour autant occulter une certaine réussite).
SunEnergy1 double la mise en enchainant deux succès consécutifs au scratch, 2022 et 2023 alors que Jules Gounon franchit une nouvelle étape en devenant le premier pilote à signer trois victoires sur la classique australienne (une semaine après avoir gagné les 24 Heures de Daytona dans sa catégorie).
Au terme de cette parenthèse hivernale, le mot de la fin revient à Jérôme Policand : « Nouveau championnat, nouvelles règles, organisation différente, le team a beaucoup appris durant ces trois semaines. Nous avons du cogiter et travailler dur pour être performants. Les efforts ont payé et cette expérience fut particulièrement enrichissante. »
Dans quelques semaines, les championnats reprendront en France et en Europe. Akkodis ASP Team annoncera prochainement ses prochains défis à relever.